Description
Le prix “Loin du marketing” a été attribué le 15 août 2017 à François Thibaux pour l’ensemble de son œuvre.
François Thibaux, auteur du livre “Les rois barbares” édité aux éditions de la librairie du Labyrinthe !
Comme son nom l’indique, le prix “Loin du marketing” est voué à honorer un écrivain dont les éditeurs n’ont pas les moyens de se payer placards en chêne dans la presse pipeule, attachées de presse aux jolies menottes, cocktails aux tam-tams et diners de connivence, renvois d’ascenseurs et de monte-charges, et, donc, ont peu de chances de voir leurs livres chroniqués dans les médias, et moins encore d’être invités par les bonimenteurs des radios et télés, pas plus que d’intéresser la plupart des libraires l’œil scotché sur le compteur des « meilleures ventes » et contraints de « faire du chiffre » pour payer le loyer.
Le prix “Loin du marketing” est donc voué à honorer un écrivain qui n’a pas bénéficié des stratégies conçues pour que ça marche et qui ne peut compter que sur la qualité de ses écrits pour qu’on s’y intéresse.
Le prix “Loin du marketing” est décerné chaque année le 15 août pendant le sommeil des commerciaux.
Le prix “Loin du marketing” est un prix strictement honorifique. Son lauréat sera au mieux gratifié d’une bonne bouffe arrosée à sa convenance s’il s’aventure jusqu’à Saint Nazaire. Sa seule récompense sera de pouvoir dire : c’est moi qui l’ai mérité !
Nouvelles de François Thibaux
De moi, homme de peu, nul ne dit rien. Et personne ne me parle. » Prononcées par un des personnages du recueil Les rois barbares, ces deux phrases donnent le ton des onze nouvelles qui, remontant le temps, s’échelonnent de 2015 à 1950, traversant plus d’un demi-siècle où l’on retrouve les hantises de tout être humain : la pauvreté, la solitude, la mémoire, l’innocence, la présence des morts, la violence et la “barbarie ordinaire” qui imprègne nos vies. Mais aussi la beauté du monde, sa présence charnelle que s’efforce de rendre l’écriture à la fois réaliste et lyrique de François Thibaux.
Ici, hêtres, chênes, frênes, érables, peupliers, bouleaux et saules marsaults
s’enchevêtrent, s’enlacent comme des amoureuses. Épaule contre épaule,
leurs racines à demi déterrées dessinant sur les pentes des tibias, des crânes,
des bras ou des têtes de tortue, ils se penchent et forment au-dessus des cours
d’eau des voûtes sous lesquelles règne une immobilité que rien ne perturbe,
hormis, soudain, de grands cris en plein ciel.
Les buses plongent sur leur proie ou affrontent en combat singulier les
corneilles acharnées à défendre leurs petits. Plus bas, les canards jacassants
filent comme des missiles. Là-haut, près des nuages, un cygne indifférent
au cou tendu passe avec un bruit de forge. Impassibles, les hérons semblables
à des oiseaux d’avant le monde traversent les jardins et se posent au bord des
étangs ou sur le plateau, au milieu des champs. Dès lors, la forêt retrouve son
silence.Ce fut dans son ombre bienfaisante trouée par le soleil que je la vis, un
matin de septembre, vaciller en actionnant sa sonnette, très droite sur sa bicyclette
freinée par la gadoue. Petite vieille frisée et frêle, elle pédalait avec
vigueur au milieu du sentier, maintenant en équilibre instable son guidon
flanqué d’un panier de métal où elle avait rangé son sac, une paire de mocassins
bon marché et un imperméable plié avec soin, en cas d’averse.
Elle s’arrêta à quelques pas de moi, devant le perron, ficha ses pieds
dans l’herbe et dit en reprenant son souffle :
– Je viens pour l’annonce.
Extrait de “l’écureuil”